ORANGE EXPORT LTD.
52, AVENUE PIERRE-BROSSOLETTE, MALAKOFF

Authors don’t write books. They write on pages or on screens, but not the ones readers will hold. Their texts need proofreaders, editors, typographers, graphic designers, paper makers, printers, binders, as well as softwares, presses, and other machines before they become books. Yet sometimes, authors do make books. Maybe this doesn’t seem so unusual today, and it has become harder to understand what it means for a text to pass from the body of the author to that of the composer setting up letters and characters, and to leave the world of language for the space of the sheet of paper. There’s a world of difference when the hand that writes also prints and the materiality of the text measures itself to the surface of the page, inscribing, covering, scratching, cutting into it.

Between the early 1970s and the mid 1980s, Orange Export Ltd. was a peculiar adventure in French publishing, where such an experiment was conducted. Raquel, who was first of all a painter, and poet Emmanuel Hocquard, first decided to publish a book together, Le Portefeuil, using silkscreen. From then they developed their imprint with a group of poets, writers and artists – friends who gathered in Raquel’s house, in the suburbs of Paris. Her studio became the workshop where the books were made, meaning: conceived, written, typeset, printed and bound, by hand, by Hocquard himself. A few copies at a time.

Poets Claude Royet-Journoud, Joseph Guglielmi, Jacques Roubaud, Anne-Marie Albiach, Alain Veinstein, Denis Roche, among others, and in collaboration with artists such as Lars Fredrikson or Thérèse Bonnelalbay, would meet at 52, avenue Pierre-Brossolette in Malakoff, to talk, to drink and to work together. This community was less drawn by an ideal than by a shared concern for the false evidence of the book, and the work process it needs to exist as such. The slim, intimate volumes were often elaborated through the collaboration between a writer and an artist. Sometimes they were composed of photographs as well as texts. Others contain more blank space than words.

What’s left from this enterprise is not only an impressive collection of titles – in which features almost the whole French poetry scene of the 1970s and early 1980s. It’s also a way of conceiving books (the “livres d’écriture,” to use Emmanuel Hocquard’s expression) through their making; and a passion for this physical process so strong that we end up wondering: what if this was the production line of happiness? How far are the pragmatics of publishing and the dynamics of friendship related? How to deal with a public, when you know you can only print 9 copies of a book a day? If, as Hocquard wrote, printing books meant learning again how to write, should we now, connecting Orange Export Ltd. to our screens and keyboards, learn again how to read?

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Les écrivains n’écrivent pas leurs livres tout imprimés. Avant d’arriver sous les yeux de leurs lecteurs, leurs textes auront eu besoin de relecteurs, éditeurs, graphistes, typographes, fabricants de papier, imprimeurs, relieurs, et seront passés par des logiciels, des machines, des presses. Parfois, pourtant, il arrive que les écrivains fassent leurs propres livres, qu’ils les fabriquent réellement; chose banale aujourd’hui, quand il semble que les textes passent facilement d’un écran à l’autre. Mais le lien entre le texte que l’auteur écrit et celui que le metteur en page compose, ou que le software affiche, en est-il plus évident? Qu’est-ce qui est en jeu lorsque le langage se matérialise, pour circuler et être partagé?

Créé au début des années 1970 par un poète, Emmanuel Hocquard, et une peintre, Raquel, Orange Export Ltd. a été conçu dès ses origines comme une “fabrique de livres” plutôt qu’une maison d’édition. Imprimé en sérigraphie, Le Portefeuil est le premier livre qu’ils éditent ensemble. Suivra une centaine de titres, de divers auteurs et artistes, bientôt imprimés sur des presses installées dans l’atelier de Raquel en banlieue parisienne.

C’est au 52, avenue Pierre Brossolette à Malakoff qu’étaient écrits, composés, imprimés et reliés à la main, par Hocquard, ces ouvrages aux tirages modestes. L’atelier est vite devenu un point de rendez-vous pour toute une génération d’écrivains et de poètes, parmi lesquels Claude Royet-Journoud, Jean Daive, Joseph Guglielmi, Jacques Roubaud, Anne-Marie Albiach, Alain Veinstein, Denis Roche, de musiciens et aussi d’artistes en collaboration tels que Thérèse Bonnelalbay ou Lars Fredrikson. Davantage que l’idée de se constituer en école, c’est une certaine approche du livre qui les réunissait. Dans les “livres d’écriture” – pour reprendre une expression d’Hocquard – publiés par Orange Export Ltd., lettres, caractères typographiques, signes de ponctuation, inscriptions, taches de couleurs ou encore photographies, travaillent avec le blanc de la page, avec une précision inouïe.

Ce qu’il reste de cette aventure humaine et éditoriale n’est pas seulement une impressionnante collection de livres – où l’on retrouve l’essentiel de la scène de la poésie française des années 1970, et quelques américains. C’est aussi une manière de faire des livres et de pratiquer l’écriture à travers ce processus, en transformant des contraintes de production en principes poétiques – comme pour la collection Chutes, qui correspondait, tant en tirage qu’en quantité de texte, au nombre de pages que les éditeurs d’Orange Export Ltd. pouvaient imprimer en une journée. Ou encore, une façon de nouer, sponte sua forte, entreprise éditoriale et amitié. Et la conviction qu’imprimer ses propres livres, ce n’est pas, aujourd’hui encore, une entreprise futile, mais bien, comme a pu le dire Emmanuel Hocquard, “réapprendre à écrire” ; et pour nous, peut-être, réapprendre à lire.